La Cour pénale internationale a décidé de mener une enquête sur les violences meurtrières commises au Gabon au soir de l’élection présidentielle du 27 août 2016. L’opposition et la société civile se réjouissent que cette juridiction ait enfin décidé de voler au secours du peuple gabonais qui souffre le martyre depuis l’arrivée accidentelle au pouvoir du despote sanguinaire.

Jonas MOULENDA 

SI la saisine avait été introduite par le régime dictatorial, il n’en demeure pas moins que l’arrivée des enquêteurs de la CPI au Gabon inquiète le tyran. A juste titre. « Le piège du malchanceux n’attrape que son chien », dit un proverbe africain.

C’est conscient de cette réalité que le dictateur sanguinaire Ali Bongo redoute les conclusions de l’enquête que pourrait ouvrir prochainement la Cour pénale internationale  sur le massacre post-électoral commis en 2016 par le régime dictatorial.

Le fait que la juridiction internationale arrive dans notre pays à la suite de la saisine du gouvernement illégitime en place ne rassure pas totalement le dictateur. De fait, ce dernier est désormais un chat échaudé, qui craint l’eau froide. Il semble avoir retenu la leçon de la mission des observateurs de l’Union européenne (UE).

La milice du pouvoir à l’origine de plusieurs enlèvements et massacres.

Bien qu’ayant été invités par le gouvernement gabonais pour superviser le scrutin présidentiel du 27 août 2016, ils avaient pondu un rapport accablant contre le dictateur tripatouilleur, mettant en doute sa réélection, face à l’opposant Jean Ping.

Depuis la récente déclaration faite par la CPI, un stress s’empare du dictateur en décri. Il ferait des pieds et des mains pour éviter que l’enquête n’épingle son propre camp. « Il ne dort plus du sommeil du juste. Il envoie ses sbires dans les quartiers de Libreville et Port-Gentil pour tenter de corrompre les familles des jeunes massacrés par ses escadrons la mort, afin qu’elles ne fassent pas des témoignages à charge contre son régime », confie un membre de l’entourage du tyran.

REPRESSION SANGLANTE. D’aucuns craignent toutefois que la CPI ne puisse mener à bien son travail. Ils redoutent que le pouvoir qui a déjà réussi à faire obstruction à d’autres initiatives, ne cherche à faire échec à la CPI. Ou à tout le moins, à se vêtir du manteau de la victime, car le massacre post-électoral incriminé a été planifié par son camp. « Tout le monde sait que c’est le pouvoir qui a commis le massacre pour se maintenir en place. Toutes les preuves dans ce sens ont été transmises à la CPI », explique un membre de la société civile.

Des centaines de Gabonais ont été massacrés au soir de l’élection présidentielle.

Ali Bongo est bien fragilisé par la crise post-électorale au point où il prend des initiatives suicidaires, telle que la saisine de la CPI. Ce contre-feu risque de ne pas produire les effets escomptés, tant des preuves accablantes contre son régime criminel subsistent. « Tout ce qu’il promet avec la plus grande et ferme volonté ne se concrétise pas. Il ne maîtrise pas la réalité du terrain. Son entourage le pousse à la bêtise. Celui qui lui a conseillé la saisine de la CPI ne lui a pas rendu service parce que le piège risque de se refermer sur lui-même », estime l’un des conseillers politiques du dictateur.

Au fond de lui, Ali Bongo sait que les magistrats de la CPI ne sont pas malléables comme ceux des tribunaux gabonais, qui sont à ses ordres. Il craint que les conclusions de l’enquête tant attendue par le peuple gabonais ne viennent fragiliser davantage son régime. La situation économique est intenable et le pire n’est pas loin si rien n’est fait dans l’immédiat pour désamorcer la crise. La grogne sociale, celles des fonctionnaires, des étudiants et d’autres couches, est intermittente. L’injustice est instituée en système de gouvernance à tous les niveaux tandis qu’il n’y a plus de voie de recours.

La machine de la répression sanglante a du mal à s’enrayer et l’étau de la communauté internationale pourrait se resserrer si la CPI engage des poursuites contre les auteurs des crimes contre l’humanité perpétrés par le régime tyrannique. Contrairement à son chantage, Ali Bongo craint, plus que tout, son inculpation en tant que chef suprême des armées, donc émetteur des ordres appliqués par les militaires au soir de la dernière élection présidentielle.

Les Gabonais attendent l’enquête de la CPI.

Au lieu de tomber dans le piège de déclarations fanfaronnes, le dictateur doit garder à l’esprit que, quatre ans avant sa chute, Blaise Compaoré avait pu maitriser des manifestations et des mutineries au Burkina Faso. Ali Bongo a eu la première démonstration de la colère populaire le 31 août 2016. S’il y a survécu, il aura du mal à échapper au possible réveil du peuple gabonais en cas de son inculpation par la CPI. « S’il est inculpé, cela donnera davantage la forces aux Gabonais. Ceux-ci pourront se réveiller et demander qu’il soit capturé et transféré à la Haye pour y être jugé ensemble que ses complices », estime un analyste politique.

In fine, le peuple gabonais se réjouit de la décision de la CPI de ne pas tourner la page du massacre post-électoral. Nombreux sont ceux qui pensent que l’enquête tant attendue peut marquer un tournant en matière de justice sur les crimes que le régime d’Ali Bongo a commandités pour arriver et se maintenir au pouvoir. Dans un pays où il est plus que détesté, tout le monde souhaite son inculpation pour donner aussi une leçon aux dictateurs africains.