Assassinats avec prélèvement d’organes, crimes crapuleux, viols de femmes, enlèvement d’enfants, etc. Tout cela a fini par dégrader l’image de ce petit pays d’Afrique centrale, jadis considéré comme un havre de paix. Dans son dernier rapport, la société américaine de sondages Gallup le place parmi les 10 Etats les plus dangereux au monde. Il est ainsi le premier pays de la sous-région et le 4e continental dans ce classement de 135 pays.
Farida KAIDER
Ce classement sans appel place le Gabon 5e ex-aequo mondial aux cotés de la Bolivie et de l’Afrique du Sud avec 58 points. Les autres coupe-gorge planétaires sont respectivement le Venezuela (42), le Liberia (53), le Savadore (54) et le Sud Soudan (56). A l’inverse, les 5 pays où il fait le mieux bon vivre sont Singapour (97), L’Ouzbekistan (95), l’Islande (92), la République du Turkménistan (91) et la Norvège (91).
De toute évidence, le climat sécuritaire se dégrade continuellement au Gabon depuis l’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo en 2009. Il ne se passe pas un seul jour sans qu’un corps ne soit découvert quelque part dans le pays. La découverte, le mois dernier, du corps d’une jeune fille à Rio, dans le 3è arrondissement de Libreville, est venue confirmer que le Gabon est sur mauvaise pente.
Tout comme l’assassinat, il y a une semaine, d’une étudiante de l’université des sciences de la santé, à Owendo, au sud de la capitale gabonaise.Les étudiants de cet établissement d’enseignement supérieur ont d’ailleurs organisé une marche de protestation ce mercredi pour que les autorités réunissent toutes les conditions sécuritaires nécessaires autour de leur établissement. Ils ont également demandé que justice soit faite sur l’assassinat de leur camarade.
Ces deux crimes, intervenus après la disparition de quinze collégiens et la découverte de quatre corps donnent finalement raison à la société américaine Gallup qui place le Gabon au 5è ex aequo des pays les moins sûrs dans le monde. De fait, la dégradation de la note du Gabon prouve l’absence d’une réelle politique en matière de lutte contre la sécurité. Pourtant, les ministères de la Défense nationale et l’Intérieur absorbent plus de moyens financiers que les autres départements ministériels. Mais les résultats sont en deçà des espoirs suscités.
TALON D’ACHILLE. D’après le classement 2017 des puissances militaires en Afrique, réalisé par le site américain, spécialisé dans les questions de défense, Global Fire Power, les dépenses de l’armée gabonaise sont évaluées à près de 45 milliards de FCFA. Avec ce montant, le Gabon arrive à la 27e place des pays africains, en matière de dépenses militaires.
Ces dépenses couvrent les charges d’un effectif de 4 850 militaires, l’entretien de l’ensemble des moyens roulants dont dispose l’armée gabonaise notamment, 250 véhicules blindés de combat, 33 avions dont : 6 de combats, 9 d’attaque ; 18 de transport, 6 d’entraînement et 16 hélicoptères de l’armée de l’air.
L’arsenal de la marine est également compris avec 10 navires de bataille et 3 patrouilleurs pour répondre aux différends territoriaux, ainsi que pour faire respecter les frontières maritimes et protéger les intérêts nationaux, dont trois navires de défense côtière.
Le top 5 des dépenses militaires africaines est constitué de l’Algérie avec, 10 570 000 000 dollars, suivie de l’Afrique du Sud, avec 4 610 000 000 dollars, de l’Egypte première puissance africaine avec 4 400 000 00 dollars, de l’Angola avec 4 150 000 000 dollars et du Maroc avec 3 400 000 000.
Les Etas les moins dépensiers sont par contre la Somalie avec 58 960 000 dollars, Madagascar avec 56 000 000 dollars, la Mauritanie avec 39 140 500 dollars, la RCA 18 500 000 dollars et la Sierra Léone qui ferme la marche avec 13 040 000.
Ce classement qui évalue la puissance militaire des forces armées des pays du globe, révèle enfin que le Gabon arrive à la 28e position sur les 33 armées militaires africaines évaluées. Elle occupe en même temps, le 120e rang sur les 133 pays évalués au niveau mondial. Malgré toutes ces dépenses, la sécurité reste le talon d’Achille du régime dictatorial d’Ali Bongo.
LAXISME DU GOUVERNEMENT. Sur le plan sous-régional, le Gabon se classe 4e après respectivement la RD Congo, le Tchad et le Cameroun. En somme, la puissance militaire du Gabon est guère moins impressionnante en Afrique que celle des pays comme le Mali (24e), la Côte-d’ivoire (23e) ou le Niger (22e).
Outre ce positionnement mondial, ce classement donne quelques données sur la puissance de feu de chaque Etat l’armée gabonaise disposerait ainsi d’un effectif de 400.000 hommes prêt à bondir sur ses ennemis et d’une main-d’œuvre disponible évaluée à 705.000 hommes.
Coté force de frappe, l’armée de l’air gabonaise dispose d’une flotte de 33 avions. Celle navale, de 10 navires de guerre. Le budget défense serait lui de 47,9 milliards de F.CFA par an. Toutes ces données, bien que secrètement gardées par les Etats, Global Fire Power les ont obtenus de sources telles que la CIA, le gouvernement américain etc. Certaines d’entre elles pourraient bien être des estimations du site spécialisé en défense et armement militaire.
Avec une masse salariale projetée de 166 milliards de francs CFA en 2016, pour un effectif de 27 109 agents, le ministère de la Défense nationale est présenté comme la première administration au Gabon. Avec 64 milliards de francs CFA, le ministère de l’Intérieur, constitué principalement des forces de police nationale, était la 4è en 2016 en termes de rémunération
La crise multidimensionnelle dans laquelle s’enlise chaque jour notre pays a un effet boomerang sur le fonctionnement de la société, jadis stable et apaisée. Le pourcentage de pauvres en âge de travailler notamment a atteint son plus haut niveau. Les jeunes sont particulièrement touchés, à cause du taux de chômage plus élevé consécutif à la vague des licenciements en cours et à la faillite de certaines sociétés pourvoyeuses d’emplois.
Si la courbe n’ayant pas été inversée par une politique volontariste, le Gabon est devenu un véritable coupe-gorge. Depuis quelques mois, le pays fait l’objet d’attaques de tout genre de la part des groupes de jeunes désœuvrés. De la manière la plus atroce et barbare, ces derniers commettent des crimes contre de paisibles citoyens pour les délester des espèces sonnantes ou d’objets précieux à revendre pour tenter de se refaire une santé financière.
Rien ne dit que les Gabonais retrouveront la paix d’antan. Le laxisme du gouvernement d’Ali Bongo n’incite guère à l’optimisme. La sécurité n’a jamais été sa priorité. Les différents gouvernements qui se succèdent n’ont jamais déployé les forces de sécurité et de défense pour protéger véritablement la sécurité des biens et des personnes sur le territoire national. La hantise de l’insécurité a toujours constitué un facteur d’insomnies pour les citoyens gabonais. Avec la paupérisation galopante, le pire reste à craindre.
La solution à la question de l’insécurité n’est pas que militaire. Le penser ne permettrait qu’un équilibre à court terme. En réalité, il faut de manière parallèle prendre en considération les dynamiques sociales qui relient l’insécurité sous ses différentes formes aux aspects d’inégalités et de vulnérabilités avancées présentes au Gabon. Le développement endogène statique ou non évolutif entrave pompeusement les aspirations des jeunes qui veulent voir leurs environnements exempts de toute frustration.
Autrement dit, il existe un lien étroit entre la pauvreté, le chômage et l’insécurité. Parmi les mobiles de la conflictualité, l’insécurité et la fragilité des populations en général et la jeunesse en particulier, figurent en bonne place la pauvreté, le chômage et l’analphabétisme. L’émergence des déséquilibres et inégalités sociaux aigues peuvent remettre en cause la paix. La révolution arabe est un exemple patent de conflictualité née d’une situation d’extrême paupérisation de la jeunesse.
Les enquêtes menées sur le terrain montrent que les pègres recrutent majoritairement parmi les jeunes désœuvrés, ayant failli aussi bien à leur éducation qu’à leur instruction. Beaucoup de jeunes sans avenir ni perspective cèdent facilement à tout genre de tentations. Du fait de l’extrême pauvreté dans laquelle la jeunesse est plongée, la seule alternative semble souvent être pour quelques-uns l’adhésion à ces groupes de grand banditisme qui se cabrent contre d’autres citoyens.